Mise en œuvre d’un régime d’assurance-médicaments au Canada
Conseil consultatif sur la mise en œuvre d’un régime national d’assurance-médicaments
Juin 2019
Table des matières
- Sommaire
- Comment les Canadiens créeraient-ils un régime national d’assurance-médicaments
- Qui devrait être couvert?
- Comment l’assurance-médicaments nationale devrait-elle être offerte?
- Quels médicaments d’ordonnance devraient être couverts?
- Comment l’assurance-médicaments nationale devrait-elle être payée?
- Conclusion et prochaines étapes
- Remerciements
Sommaire
Il semblerait que les Canadiens soient favorables à un régime national d’assurance-médicaments.
Ce cri de ralliement s’est répandu parmi les milliers de personnes qui ont participé à un processus de participation en vue de la mise en œuvre d’un régime national d’assurance-médicaments. Entre juillet et décembre 2018, plus de 32 000 personnes et organisations ont fait part de leurs points de vue au Conseil consultatif sur la mise en œuvre d’un régime national d’assurance-médicaments (le Conseil) du gouvernement du Canada. Le Conseil a recueilli des commentaires au moyen d’interactions en ligne, de lettres, de mémoires, de réunions, de tables rondes et d’assemblées générales tenues partout au Canada.
Les participants ont répété à maintes reprises que tout le monde devrait pouvoir avoir accès aux médicaments d’ordonnance dont ils ont besoin lorsqu’ils sont malades. Bien que de nombreuses autres questions relatives à l’assurance-médicaments nationale suscitaient diverses opinions, la vaste majorité des Canadiens qui ont participé ont convenu de la nécessité d’une assurance-médicaments.
Le Canada est l’un des rares pays développés dans le monde à ne pas avoir de couverture universelle pour les médicaments d’ordonnance. Au lieu de cela, il existe une mosaïque de régimes d’assurance-médicaments publics et privés qui empêchent de nombreux Canadiens d’avoir les moyens de se procurer les médicaments dont ils ont besoin.
C’est pourquoi le gouvernement du Canada a créé le Conseil dans le cadre du budget de 2018 afin de fournir des recommandations indépendantes sur la meilleure façon de mettre en place un régime national d’assurance-médicaments qui sera abordable pour les Canadiens et leur famille, les employeurs et les gouvernements. Le Dr Eric Hoskins, ancien ministre de la Santé et des Soins de longue durée de l’Ontario, dirige le Conseil, de même que six autres membres, dont : la Dre Nadine Caron, M. Vincent Dumez, Mme Mia Homsy (vice-présidente), Mme Camille Orridge, Mme Diana Whalen et M. John Wright.
En mars 2019, le Conseil a présenté son rapport provisoire au ministre de la Santé et au ministre des Finances sur l’état d’avancement de ses travaux à ce jour. Le rapport provisoire du Conseil est disponible en ligne.
Le Conseil présentera son rapport final et ses recommandations au printemps 2019.
Le rapport qui suit donne un aperçu des commentaires que les participants ont fournis pendant le processus de participation du Conseil. Ceux-ci exprimaient l’ampleur et la profondeur des points de vue et des intérêts des participants et n’étaient pas toujours cohérents. Toutefois, le rapport ne représente pas les points de vue de tous les participants, ni, bien sûr, de tous les Canadiens. Les points de vue résumés ici sont ceux des participants au processus, et ils ne doivent pas être perçus comme représentant l’opinion ou le point de vue du Conseil.
Comment les Canadiens créeraient-ils un régime national d’assurance-médicaments
Objectif du rapport
Le gouvernement du Canada a créé le Conseil consultatif sur la mise en œuvre d’un régime national d’assurance-médicaments (le Conseil) dans le budget de 2018 afin de fournir des conseils sur la façon de mettre en œuvre un régime national d’assurance-médicaments. Le Conseil a dirigé un dialogue national sur la façon de mettre en œuvre un régime national d’assurance-médicaments pour les Canadiens et leur famille, les employeurs et les gouvernements.
Le processus officiel du Conseil pour la participation du public s’est déroulé entre juillet et décembre 2018. Afin de favoriser un dialogue ciblé entre le Conseil et les Canadiens, le gouvernement du Canada a d’abord publié un document de réflexion comme document de référence. Celui-ci donnait un aperçu du système actuel de couverture des médicaments d’ordonnance et des défis rencontrés au Canada. Il indique également les objectifs et les questions clés pour encadrer le travail du Conseil.
Le Conseil a sollicité des commentaires au moyen de trois méthodes principales : la participation en ligne, les mémoires et les tables rondes et réunions en personne.
En se rendant en ligne pour donner leur point de vue ou en envoyant des mémoires au Conseil, toute personne intéressée pouvait faire part de ses réflexions sur l’assurance-médicaments et sur la meilleure façon de mettre sur pied un programme national. Le Conseil a également tenu des rencontres en personne avec différentes communautés d’intervenants. Ces discussions visaient à s’assurer que le Conseil était au courant des points de vue et des considérations de la part des patients et des intervenants.
Le présent rapport sur ce que nous avons entendu a pour but de résumer les commentaires que le Conseil a reçus au cours de la période de participation du public. Le rapport vise à rendre compte de certaines des idées et des perspectives clés qui ont été soulevées au cours du processus de participation. Il ne comprend pas tous les commentaires reçus et ne suppose pas de consensus de la part de tous les participants.
Le Conseil tient compte de cette rétroaction dans le cadre de ses délibérations en vue de son rapport final et de ses recommandations, qui doit être remis aux ministres au printemps 2019. Le Conseil est profondément reconnaissant envers toutes les personnes et tous les organismes qui ont participé au cours du processus et qui ont accordé de leur temps, de leur passion et de leur expertise.
Obtenir de l’orientation à partir des idées du public
Au total, plus de 32 000 personnes et organismes ont participé en ligne, par la poste et en personne pour indiquer au Conseil comment, à leur avis, l’assurance-médicaments nationale devrait être mise en place.
Plus de 16 000 personnes et organisations ont fait part de leurs points de vue sur l’assurance-médicaments nationale au moyen d’un questionnaire en ligne, de mémoires et de forums de discussion. Les participants étaient majoritairement d’accord pour dire que tous les Canadiens devraient bénéficier d’une assurance-médicaments équitable pour les médicaments d’ordonnance. Ils étaient également d’avis que la plupart des médicaments d’ordonnance devraient être couverts, y compris les nouveaux médicaments novateurs. Les participants ne s’entendaient sur la façon de payer l’assurance-médicaments ni sur le meilleur modèle de mise en œuvre.
Le Conseil a également reçu plus de 12 000 lettres de campagne par courriel et par la poste. Les organisations non gouvernementales et les associations de professionnels de la santé ont organisé la majeure partie de ces campagnes.
La plupart des lettres demandaient une couverture complète et universelle qui permettrait aux gens d’avoir accès aux médicaments en fonction de leurs besoins et non de leur capacité de payer. Plusieurs lettres indiquaient également que l’assurance-médicaments devrait être offerte au moyen d’un régime à payeur unique, administré par le gouvernement. Certains auteurs n’étaient pas favorables à un régime national d’assurance-médicaments. Ils ont mentionné vouloir maintenir leurs prestations actuelles de médicaments d’ordonnance et qu’ils étaient préoccupés par la réduction de leur couverture.
Le Conseil s’est rendu dans chaque province et territoire pour tenir des discussions dans le cadre de tables rondes, de réunions et de séances de dialogue communautaire.
Des consultations ont eu lieu avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, des patients et des fournisseurs de soins de santé, ainsi qu’avec des experts et des intervenants clés issus de nombreux domaines. Parmi ces domaines, mentionnons la politique en matière de santé, la politique des régimes publics d’assurance-médicaments, les finances, les affaires, le travail, l’industrie pharmaceutique, les pharmacies, les organismes de santé et les secteurs des assurances et des avantages sociaux.
Le Conseil a également tenu des discussions avec des gouvernements et des organisations autochtones, dont l’Assemblée des Premières Nations, l’Inuit Tapiriit Kanatami et le Ralliement national des Métis. De plus, les Premières Nations, les Inuits, les Métis et les représentants des gouvernements et des organisations autochtones ont été invités à présenter des mémoires et à participer aux discussions.
La participation des patients et des soignants faisait partie intégrante du processus de participation du Conseil. Lorsque les patients, les membres de leur famille et les soignants révèlent leur perception des choses, cela transforme l’élaboration et la mise en œuvre des politiques, et le Conseil voulait faire de ces contributions un élément clé de son échange avec les Canadiens. Le Conseil visait à ce que les patients représentent au moins un tiers des participants à chaque séance régionale. Il a également tenu deux tables rondes ciblées avec des patients et des défenseurs des droits des patients, ainsi que d’autres réunions avec des personnes qui se disent non assurées ou sous-assurées, afin de leur fournir l’occasion de s’exprimer et d’examiner attentivement leurs conseils.
Principales questions et réponses
Des consultations et des discussions ont permis d’approfondir ces questions principales :
- Qui devrait être couvert?
- Comment l’assurance-médicaments devrait-elle être offerte?
- Quels médicaments d’ordonnance devraient être couverts?
- Comment l’assurance-médicaments nationale devrait-elle être payée?
Chaque réunion et chaque séance ont suscité des réactions passionnées et des idées, bien qu’il n’y ait généralement pas eu de consensus clair sur de nombreux points et que les points de vue exprimés variaient de façon significative.
Malgré cette diversité, des points de vue communs se sont manifestés partout au pays. Le Conseil a reçu un message clair comme quoi le système actuel de couverture des médicaments d’ordonnance au Canada n’est pas viable à long terme et qu’il laisse un trop grand nombre de Canadiens sans couverture, particulièrement les populations vulnérables.
Voici quelques-uns des points de vue communs :
- L’assurance-médicaments nationale devrait couvrir tous les Canadiens, ce qui donnerait une couverture égale dans toutes les provinces et tous les territoires. Le statut professionnel, l’âge, la province ou le territoire de résidence ou la capacité de payer ne devraient pas déterminer la couverture des médicaments.
- Les critères d’inscription des médicaments d’ordonnance sur une liste nationale de médicaments assurés (une liste de médicaments dont les coûts peuvent être remboursés par un régime d’assurance-médicaments) devraient comprendre l’innocuité, l’efficacité clinique et la rentabilité. Un groupe d’experts politiquement neutre devrait gérer la liste de médicaments assurés de manière responsable et durable sur le plan financier.
- Bien qu’il n’y ait pas eu de consensus clair sur les mécanismes de partage des coûts, comme la quote-part, beaucoup ont indiqué que de tels mécanismes pourraient constituer un obstacle à l’accès.
Qui devrait être couvert?
Points clés
- Rendre l’assurance-médicaments nationale accessible à tous les Canadiens, avec la même couverture dans toutes les provinces et tous les territoires, afin d’assurer la couverture des personnes qui ne sont pas assurées ou qui sont sous-assurées.
- S’assurer que personne ne perd sa couverture actuelle ou que sa situation ne s’aggrave en raison de la mise en place d’un régime national d’assurance-médicaments.
La situation actuelle
La plupart des autres pays dotés d’un système de soins de santé universel offrent une couverture pour les médicaments d’ordonnance.
Toutefois, les choses sont différentes au Canada. Notre régime d’assurance-maladie, le système public de soins de santé du Canada pour les services médicaux et hospitaliers, ne couvre que le coût des médicaments d’ordonnance donnés aux patients dans les hôpitaux. Pour les médicaments prescrits par des médecins ou des spécialistes à l’extérieur des hôpitaux, la couverture varie d’une région à l’autre : plus de 100 différents régimes publics et 100 000 régimes privés d’assurance ont été créés pour répondre aux besoins des Canadiens. Même les Canadiens qui bénéficient d’une assurance-médicaments peuvent faire face à des mécanismes de partage des coûts avec les patients sous forme de primes, de franchises, de quote-part et de coassurance qui peuvent rendre difficile l’achat de médicaments d’ordonnance.
Depuis le début du régime d’assurance-maladie dans les années 1960, on espère que le programme finira par comprendre une couverture pour les médicaments d’ordonnance. Mais pour différentes raisons, cela ne s’est jamais produit. C’est pourquoi toutes les grandes études sur le système de soins de santé au Canada au cours des 50 dernières années ont identifié l’absence de couverture publique des médicaments d’ordonnance comme étant une lacune majeure.
Termes relatifs à la couverture des médicaments
Franchise : Il s’agit des frais qu’un participant au régime doit payer pour des médicaments au cours d’une certaine période (p. ex. annuellement) avant que le régime d’assurance-médicaments commence à payer.
Quote-part : Ce sont les frais que, lorsque la limite de franchise applicable est atteinte, un participant au régime d’assurance-médicaments doit payer de sa poche pour chaque ordonnance remplie, le reste du coût étant payé par le régime d’assurance. Il peut s’agir d’un montant en pourcentage (p. ex. 20 % du coût total des ordonnances) ou d’un paiement fixe par ordonnance (p. ex. 5 $ par ordonnance).
Prime : Il s’agit ici d’un montant fixe (souvent payé annuellement) qu’une personne doit payer pour s’inscrire à un régime d’assurance-médicaments. Ce montant est payable, que la personne utilise ou non les avantages offerts par le régime.
Maximum du régime : C’est le montant maximal de la contribution d’un régime d’assurance-médicaments au coût des médicaments d’ordonnance d’une personne. Il peut s’agir d’un maximum annuel ou d’un maximum à vie.
En l’absence d’un système universel de couverture des médicaments d’ordonnance, le Canada a élaboré un système mixte. Les régimes d’assurance-médicaments publics et privés se rangent dans les catégories suivantes :
- Régimes privés financés par les employeurs : pour de nombreux travailleurs canadiens et leurs personnes à charge, ces régimes couvrent une grande partie des dépenses de médicaments d’ordonnance.
- Régimes publics gérés par les gouvernements provinciaux et territoriaux : ces régimes prévoient généralement une couverture au moins partielle pour les personnes âgées, les bénéficiaires de l’aide sociale et les patients atteints de certaines maladies. De nombreuses provinces offrent également une certaine forme d’assurance-médicaments aux résidents dont le coût des médicaments est élevé par rapport à leur revenu. On parle souvent de régimes d’assurance-médicaments catastrophiques.
- Régimes publics gérés par le gouvernement du Canada : ces régimes visent des populations distinctes, notamment les Premières Nations et les Inuits, les membres des forces armées, les anciens combattants, les détenus sous responsabilité fédérale et certains réfugiés.
- Régimes privés financés par des particuliers : les Canadiens qui sont travailleurs autonomes, qui travaillent à temps partiel ou qui ont un emploi mal rémunéré ou précaire sans régime de la part de l’employeur peuvent choisir d’adhérer à un régime privé.
L’accès aux régimes publics d’assurance-médicaments varie considérablement d’une province ou d’un territoire à l’autre au Canada, chacun administrant les soins de santé sur son territoire. Deux patients ayant les mêmes besoins qui vivent dans des régions différentes du pays pourraient bénéficier d’une couverture différente pour les mêmes médicaments d’ordonnance. Ils pourraient également payer différents montants de paiements directs.
Certains régimes publics d’assurance-médicaments sont offerts à tous les résidents d’une province ou d’un territoire. D’autres s’adressent à certains groupes, en fonction de facteurs tels que le revenu, la démographie, la maladie ou le coût des médicaments. Parmi les provinces ou les territoires, certains n’offrent que quelques régimes d’assurance-médicaments alors que d’autres en offrent près de 20 ou plus.
Malgré les régimes d’assurance publics et privés qui offrent une couverture au Canada, il y a encore des lacunes. Environ 20 % des Canadiens sont sous-assurés ou ne sont pas assurés du tout pour les médicaments d’ordonnance, ce qui signifie qu’ils n’ont pas une couverture suffisante pour répondre à leurs besoins. Certains régimes publics d’assurance-médicaments couvrent tous les coûts des médicaments d’ordonnance pour les particuliers, habituellement ceux qui ont un faible revenu. Mais souvent, un ménage à revenu moyen qui est admissible doit assumer directement des coûts de milliers de dollars par année avant que le régime public commence à couvrir les dépenses. Les personnes couvertes par des régimes privés d’assurance-médicaments peuvent également avoir à payer des quotes-parts élevées qui peuvent les dissuader d’exécuter leurs ordonnances. En 2015, l’Institut Angus Reid a constaté que plus d’un Canadien sur cinq a déclaré à son propre sujet ou au sujet d’une personne de son ménage n’avoir pu prendre les médicaments tels qu’ils leur avaient été prescrits en raison des coûts qui leur sont associés.
De plus, certains Canadiens, comme les personnes à faible revenu, les LGBTQ+ et d’autres personnes, pourraient éprouver des difficultés à naviguer dans le système de soins de santé pour profiter des régimes offerts.
Ce que les gens veulent
Presque tous ceux qui ont partagé leurs points de vue avec le Conseil étaient d’avis que l’assurance-médicaments nationale devrait être accessible à tous les Canadiens et que tous les Canadiens, dans toutes les provinces et tous les territoires, devraient avoir la même couverture. Leur statut professionnel, leur âge, la province ou le territoire où ils résident ainsi que leur capacité de payer ne devraient faire aucune différence. Plusieurs participants ont déclaré que les paiements directs des patients pour les médicaments d’ordonnance devraient aussi être les mêmes partout au Canada. Certaines personnes ont dit que le régime national d’assurance-médicaments devrait être offert aux titulaires d’une carte d’assurance-maladie.
L’un des points fréquemment mentionnés est que l’assurance-médicaments nationale doit améliorer la couverture pour les Canadiens. Personne ne devrait perdre le niveau de couverture dont il bénéficie actuellement, ou empirer sa situation en raison de la mise en place du programme.
Bon nombre de personnes ont souligné que l’assurance-médicaments nationale doit couvrir les personnes marginalisées de la société. Selon elles, l’objectif premier du programme devrait être de servir les personnes non assurées et sous-assurées.
Il y a eu un débat sur les critères à utiliser pour s’inscrire au programme. Le programme devrait-il être gratuit pour le patient ? Ou bien devrait-il y avoir un montant à payer, une franchise, en fonction du revenu d’une personne (appelée « évaluation du revenu ») avant que sa couverture ne commence ?
Certains participants ont fait remarquer que l’un des défis liés à l’évaluation du revenu est que, au Canada, certaines personnes peuvent gagner le même montant d’argent annuellement, mais leurs dépenses et modes de vie sont différents. Ces dépenses variables….